Dr David Guex
Janvier 2013 - Le site du laser Erbium:YAG
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Principes physiques et fonctionnement
Le laser Erbium:YAG (Er:YAG) est aujourd’hui le laser ayant le plus grand nombre d’indications en omnipratique. Sa longueur d’onde de 2.940 nanomètres se situe sur un des pics d’absorption de l’eau et de l’hydroxyapatite (Fig. 1). Il peut être qualifié de laser infrarouge à faible propagation thermique donc peu pénétrant, s’il est utilisé sous spray d'eau bien entendu. Le point d'interaction avec le tissu cible se fait par l'intermédiaire de la molécule d'eau, ce qui réduit considérablement l'effet thermique (Fig. 2).
Lorsqu’un tir laser Er:YAG touche une cible, l’effet photo-ablatif non spécifique correspond à une ablation pure de la matière visée, par l’intermédiaire de l’eau, sans lésion thermique visible sur les berges, comme le ferait un bistouri (Fig. 4).
Cet effet photo-ablatif est obtenu par le principe de photodissociation, avec de très courts pulses d’ondes très énergisantes (0,150 à 0,600 µm) : Er:YAG = 0,2940 µm (Fig. 3). Cet effet photo ablatif est généré par l'intermédiaire de l'eau qui absorbe complètement le rayonnement, et aussi par l'hydroxyapatite quand le traitement laser intervient sur des tissus durs, mais dans une moindre mesure. Cet absorption rapide se traduit par un effet thermique brutal (120 à 250 µs), qui produit une sublimation de l'eau, accompagnée d'une forte augmentation de volume intra-tissulaire sur une épaisseur d'impact de 5 µm. Cette micro-explosion est liée à ce changement d'état de l'eau, passant d'un état liquide à un état gazeux. Cela provoque un arrachement de matière qui sera évacuée, par le dégagement de vapeur d'eau immédiat (origine de certaines projections). Ce phénomène caractéristique des lasers Er:YAG (2.940 nm) et Er,Cr:YSGG (2.780 nm), s'appelle une vaporisation explosive (Fig. 3). Plus simplement, cette diapo (Fig. 4) décrit le processus de destruction des tissus opérés : la longueur d’onde du laser va rencontrer une molécule d’eau, celle-ci va se mettre à gonfler en volume pour ensuite éclater. Cet éclatement gazéifie le tissu impacté par le tir laser. L’Er:YAG est le seul laser à provoquer la vaporisation explosive, du fait de sa longueur d’onde. L'énergie est absorbée dans 5 micron d’eau et l'amortissement thermique se fait sur quelques microns selon la nature du tissu. Donc, il n'y a pas de carbonisation et la couche affectée thermiquement est faible.
Les effets du laser Er:YAG (ergonomie, effets photo ablatifs, biostimulation)
Ergonomie
Avantages des tips par rapport à la fraise chirurgicale.
Les dernières technologies présentent sur le marché nous permettent d’avoir des embouts de plus en plus fin, ce qui améliore leur ergonomie (Dr Girot : l’info dentaire, septembre 2012). Les tips laser sont aujourd’hui miniaturisés, ce qui dégage notre champ opératoire. Nous n’avons plus la tête du contre angle en regard de la zone opérée, nous avons ainsi moins d’angle mort. Le mode de transmission a changé et la cavité optique se trouve dans la pièce à main, nous avons beaucoup moins de déperdition d’énergie, ce qui augmente notre vitesse de travail (Fig. 6). D’autre part, l’utilisation de fraises génère parfois des vibrations, la fraise rebondit le long de la corticale en fonction de l’angle d’attaque. Ce phénomène est angoissant en face de structures anatomiques nobles. Avec le tip, nous travaillons à distance, ce qui permet de voir ce que nous faisons, d’où l'intérêt d’avoir des aides optiques. En fait, si nous devions prendre une image : c’est celle de la fraise optique. Cette fraise transparente est en fait un faisceau de lumière, constitué uniquement de photons vibrants à 2.940 nm de longueur d'onde.
Utilité du laser Er:YAG sur les tissus
Effet photo-ablatif : le laser Er:YAG coupe et enlève les tissus mous et durs
- Action sur les tissus mous : le tissu de granulation est essentiellement constitué d’eau, en conséquence, nous avons un excellent effet de vaporisation du tissu de granulation. L’utilisation des tips est plus efficace et plus rapide que les curettes. Le traitement au laser entraine une réduction de l’inflammation parodontale diminuant les niveaux des cytokines pro inflammatoires IL-1f3 et TNF-A.7 Une technique par fluorescence montre que l’irradiation laser Er:YAG empêche un processus rapide de recolonisation du tissu de granulation. Le laser Er:YAG a montré le haut potentiel bactéricide contre la bactérie Pg pathogène, spécifique de la parodontite.
- Action sur le tissu dur : le tissu osseux est constitué de phosphate tri calcique, or la longueur d’onde de l’Er:YAG correspond à la courbe d’absorption de l’eau et de l’hydroxyapatite (Fig. 5). Lorsque nous effectuons un tir, nous obtenons un cratère à l’impact, le tissu osseux se vaporise (Fig. 7). Comme la matière est sublimée lors du tir laser sur l’os, il n’y a plus de dépôts dans les alvéoles par les boues de fraisage. Nous obtenons un nettoyage des micro-alvéoles tout en préservant la microvascularisation. Cet effet est à rapprocher de l’endodontie. En effet, lorsque nous activons la solution d’irrigation, nous avons un phénomène de remontée des boues dentinaires, donnant un état de surface des parois radiculaires plus net. Le tissu sectionné n’a pas à digérer les boues de fraisage.
- La décontamination de la surface implantaire : l’utilisation de l’erbium:YAG permet le traitement des périimplantites. La curette ne peut pas nettoyer l’état de surface des spires implantaires. Le laser Er:YAG génère une stérilisation de l’état de surface, permettant ainsi une recolonisation des cellules osseuses sur une surface implantaire propre et décontaminée. C’est toute la différence entre un nettoyage macroscopique à la curette et un nettoyage moléculaire au laser. De plus, la longueur d’onde de l’Er:YAG n’a aucun impact sur le métal. Cela nous permet de nettoyer sous fort grossissement, les spires implantaires, en redonnant un état de surface propre. Il n'y a pas de fonte du titane en surface.
La biostimulation
Le nombre de fibroblastes est multiplié par 30 sur un site irradié au laser Er:YAG : la cicatrisation est donc accélérée. Un os traité à l’erbium a une capacité de régénération et de cicatrisation nettement augmentée par rapport à toute autre méthode d’ostéotomie : c’est le bénéfice produit par l’effet de photo-modulation (Fig.8).
Cas clinique
Une Patiente vient en première consultation le 09.11.2004, pour un granulome apical à l’apex d’un implant en remplacement de 45. La Patiente ne donne pas suite (Fig.9). Elle se présente 4 ans plus tard, le 21.02.2008, lors d'une nouvelle consultation pour contrôle. À l’examen de la radiographie panoramique dentaire, nous constatons que le granulome s’est étendu à l’apex de la 44 (Fig.10).
Première intervention : nous réalisons le traitement radiculaire de la 44. Les tests à la percussion se révélaient négatifs et les tests de vitalité étaient peu concluants. A notre grand étonnement, la dent était vitale.
La Patiente revint plusieurs fois en raison d’abcès : cellulites massétérines (Figs.11a-c). À noter la corticale vestibulaire soufflée en regard de 44 (Fig.12), ainsi que les rapports étroits entre le foramen mentonnier et le kyste (Fig.13).
Intervention chirurgicale le 02.06.2010 : une chirurgie au laser Er:YAG a été décidée afin de réséquer l’apex de la 44 et pour éliminer la totalité du kyste fixé sur la dent 44 et sur l’apex de l’implant.
Figs. 11a-c : Abcès : cellulites massétérines (c) Cabinet Sevain / Guex
L’utilisation de l’Er:YAG dans ce cas-là était rassurante, nous ne sommes jamais bien à l’aise pour utiliser une fraise en regard du foramen mentonnier. Comme nous l’avons vu, le laser Er:YAG est un outil chirurgical d’une extrême précision. Il nous permet d’opérer dans les zones délicates en toute sécurité et d’approcher des structures anatomiques comme le nerf mandibulaire, en minimisant les risques de lésion grave. L’intérêt de cet outil chirurgical réside dans son action de micro-ablation tissulaire. Nous faisons une ostéotomie très précise avec un champ opérationnel bien dégagé. L’Er:YAG étant très fortement absorbé par les tissus hydratés, nous n’avons aucune action sur les tissus adjacents et la vascularisation du tissu opéré est préservée. Étant donné l’importance de la destruction, nous souhaitions dans un premier temps, éliminer la totalité de la lésion kystique, de bénéficier de la bio stimulation de l’Er:YAG, afin d’induire une reconstruction du volume osseux. Dans le cas présent, l’utilisation du laser Er:YAG nous a procuré plusieurs avantages :
- La vaporisation du tissu kystique a été beaucoup plus rapide que l’utilisation d’une simple curette. Nous avions plus d’aisance à aller dans les angles morts. L’irrigation apportée par le laser nous permettait d’évacuer le tissu kystique, le site opératoire était bien dégagé.
- Aucune curette ne pouvait nettoyer l’évent implantaire apical, la finesse des tips de l’Er:YAG permet un nettoyage de cet évent et des spires implantaires.
- Nous avons pu retrouver un état de surface implantaire originel par la stérilisation de surface (Figs. 14 et 15).
Les suites opératoires ont été particulièrement discrètes.
Contrôles et suivis
Figs. 16a et b : Radiographies de contrôle après 6 mois. (c) Cabinet Sevain / Guex
Le résultat obtenu sur la lésion de 44 est tout à fait satisfaisant. Nous avons exploité au maximum le potentiel de régénération de la lésion osseuse (Figs. 16 a et b). La lésion est maintenant « décomprimée ». Radio graphiquement, nous notons une image radio claire à l’apex de l’implant, centrée sur l’évent implantaire, cela justifie une deuxième intervention (Figs. 17 a–d).
Figs. 17a-d : Contrôles et suivis après 12 mois. (c) Cabinet Sevain / Guex
Ré intervention chirurgicale le 09.07.2012
À ce moment précis, le volume osseux reconstruit est important, la table vestibulaire est reconstituée, y compris au niveau de 45. Afin d’accéder à l’apex de l’implant, nous avons dû procéder à un dégagement osseux en regard de l’apex de l’implant. Nous avons été guidé par la trace d’une légère fistule osseuse. La section de l’évent implantaire se fait à la fraise transmétal, sous rinçage abondant. Nous avons pu couper à minima, la partie apicale de l’implant (Figs. 18a et b). Aucun bio matériau, ni PRF n’a été utilisé à ce stade.
Figs. 18a et b : Ré-intervention après 14 mois. (c) David Guex
Les résultats obtenus en chirurgie avec le laser Er:YAG peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs :
- Amélioration de l’angiogenèse.
- Augmentation des facteurs de croissance.
- Optimisation de la réponse inflammatoire (Fig. 19a et b).
Figs. 19a et b : Régénération osseuse accélérée. (c) David Guex
Il est à noter la présence d’un corps solide dans l’évent implantaire (Figs. 20 et 21 (c) David Guex).
Résultat
Veuillez noter le contrôle radiographique (Figs. 22 a et b) et clinique (Figs. 23 a et b) à 3 mois (05.10.2012). Notre Patiente ne se plaint plus de douleurs.
Figs. 22a et b : Contrôle radiographique 3 mois après ré-intervention. (c) David Guex
Conclusion
La leçon à tirer de ce cas clinique est qu’il fallait traiter l’apex de cet implant comme l’apex d’une dent naturelle : c'est-à-dire le réséquer. Cependant, l’intérêt de l’Er:YAG dans cette approche, était de reconstruire un maximum de tissus osseux pour ensuite réséquer l’implant. Aujourd’hui, l’intérêt d’utiliser un laser Erbium:YAG dans une chirurgie réside dans la précision de l’ablation tissulaire y compris dans les angles morts, dans la qualité de la reconstitution osseuse induite lors de la cicatrisation, dans la qualité de la muqueuse après biostimulation.
Remerciements : je tiens à remercier le Docteur Pierre-Yves Pahaut pour son aide apportée lors de la chirurgie, et les Docteurs Jean François Sevain, Pascal Bufflier et Fabrice Baudot pour leur aide apportée à la correction de cet article. Cette chirurgie a été réalisée dans le cabinet dentaire des Docteurs Sevain.
Omnipraticien à Villié-Morgon depuis 1999.
Endodontiste exclusif à Bron depuis 2009.
Diplôme universitaire d’anatomie et dissection crânio-cervico-facial de la faculté de médecine de Paris.
Bibliographie
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Art 3 A laser Doppler study of gingival periosteal stimulation, Pascal Ambrosini and coll, J Clin Periodontol; 29: 103–107, (2002).
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Art 8 Quel est l’intérêt du laser dans le nettoyage canalaire, Guex.D, Dentoscope n°101, 38-46, (Septembre 2012).
Art 9 The use of the LiteTouch Er:YAG laser in peri-implantitis treatment, Prof Tzi Kang Peng and coll, laser 3, 22-28, (2012).